Chroniques

par laurent bergnach

Kaija Saariaho
musique de chambre

1 CD KAIROS (2004)
0012412 KAI
Kaija Saariaho | musique de chambre

Née à Helsinki en 1952, Kaija Saariaho est maintenant bien connue du public français, puisqu'elle exerce son activité à Paris depuis plus de vingt ans. À l'époque, après avoir étudié en Europe avec Paavo Heininen, Brian Ferneyhough ou encore Klaus Huber, elle suit des cours d'informatique à l'Ircam dont bénéficieront nombre de ses œuvres : Verblendungen (1982-1984), Lichtbogen (1985-86), Lonh (1996), etc. Si l'on doutait des recherches de la compositrice dans ce domaine, cet enregistrement donne la preuve du contraire : seuls Spins and Spells (1996) et Monkey Fingers, Velvet Hand (1991) – respectivement pour violoncelle et pour piano solo – sont purement acoustiques, les autres morceaux de cet enregistrement, consacré à la musique de chambre, font appel à un traitement électronique.

Créé à Freiburg le 1er mars 1983, Laconisme de l'aile marque les débuts d'une musique sensuelle et contemplative qui deviendra récurrente dans la carrière de la Finlandaise, ainsi que ceux d'une relation privilégiée avec la flûte. Travail sur le timbre et l'harmonie, l'œuvre intègre les mots chuchotés des Oiseaux, poème de Saint-John Perse ; ainsi, la flûtiste Lesley Olson se met à « produire des sonorités transitionnelles évoluant sans rupture de la respiration et du bruit à de véritables sons instrumentaux ». On retrouvera cette osmose du souffle et du dire en 1992 avec Noa Noa, qui comporte des citations du journal de Gauguin à Tahiti.

Si dans Laconisme de l'aile l'électronique est une option, il en est différemment avec Petals qui réclame un traitement ad libitum. « Manière toute novatrice d'écrire pour le violoncelle » (dixit Anssi Karttunen, créateur de l'œuvre le 18 mai 1988), Petals fut écrit en quelques jours, à la suite du quatuor à cordes Nymphea (Jardin secret III). Scott Roller interprète ici cette exploration des possibilités de l'archet. Dernier solo, Six Japanese Garden est le fruit d'un séjour de deux mois au Japon, au Centre de musique informatique et technologique de l'Université de Kunitachi. Composée durant l'été 1993, cette œuvre à base de percussions, est dédiée à la mémoire de Toru Takemitsu, disparu quelques mois plus tôt. Andreas Boettger défend ses six segments composés de sons naturels, chants rituels, ou échantillons de percussions retravaillés et modifiés, d'après des enregistrements de Shiniti Ueno, créatrice du morceau à Tokyo, le 12 juillet 1995.

Nous retrouvons les instruments fétiches de Saariaho pour Mirrors, duo pour flûte et violoncelle, dans sa version originale de 1997, et dans celle proposée par Lesley Olson l'année suivante ; en effet, les fragments qui composent le morceau peuvent s'organiser à loisir, à condition de conserver les effets de miroir qui en font l'intérêt. Le piano de Susanne Achilles s'ajoute à cette formation pour Cendres, pièce écrite spécialement pour les musiciens du Trio Wolpe, créée à Essen le 30 septembre 1998, et où les différents instruments doivent tendre à la proximité maximale (hauteur du son, rythme, articulation, etc.) tout en cultivant leur spécificité propre. On saluera ici l'énergie que les instrumentistes investissent dans des interprétations qui constituent une porte idéale vers l'univers poétique de Kaija Saariaho et ne sauraient laisser indifférent.

LB